par : Me Anthony Gattuso
Changements fiscaux proposés aux exonérations des gains en capital
Le 16 avril 2024, le gouvernement canadien a présenté le budget fiscal du Parti libéral avec des changements significatifs aux taux d’inclusion des gains en capital sur le revenu imposable. Ces mesures, faisant partie du Budget fédéral 2024, ont été décrites par le gouvernement comme visant à promouvoir l’équité, tout en soutenant la croissance économique et l’innovation. Un des aspects clés du budget 2024 est le plan du gouvernement de modifier la structure de l’impôt sur les gains en capital. Notamment, en augmentant le taux d’inclusion de la moitié à deux tiers sur les gains en capital dépassant un seuil annuel de 250 000 $ pour les particuliers, ainsi que sur tous les gains en capital réalisés par les sociétés, à compter du 25 juin 2024. L’avant-propos du budget de 416 pages laisse entendre que les changements proposés au système fiscal du Canada visent à garantir que ceux ayant des revenus plus élevés contribuent de manière proportionnelle grâce à ces nouvelles mesures fiscales.
Ajustement des taxes sur les gains en capital
Les ajustements proposés aux taxes sur les gains en capital dans le Budget fédéral 2024 marquent un changement significatif par rapport aux lois précédentes sur les gains en capital au Canada. Actuellement, il n’y a pas de seuil maximum sur le taux d’inclusion de 50 % sur le revenu des gains en capital réalisés annuellement pour les particuliers, les sociétés et les fiducies. Notamment, le taux d’inclusion pour la taxation sur le revenu provenant des gains en capital, que ce soit en dessous ou au-dessus de 250 000 $, est actuellement fixé à 50 %, de sorte que seule la moitié des gains en capital gagnés pour une année fiscale donnée sont soumis à l’impôt sur le revenu.
Selon les nouvelles propositions, à compter du 25 juin 2024, le taux d’inclusion passera de 50 % à 66,67 % sur le montant des gains en capital excédant 250 000 $ pour les particuliers (y compris les gains en capital réalisés personnellement par le biais d’un partenariat ou d’une fiducie). Par conséquent, le taux d’inclusion sur les premiers 250 000 $ de gains en capital pour les particuliers reste inchangé à 50 % du gain en capital soumis à l’impôt, cependant, 66,67 % des gains en capital gagnés au-dessus de ce seuil de 250 000 $ au cours de la même année fiscale seront soumis à l’impôt.
En ce qui concerne les gains en capital réalisés par les sociétés et les fiducies, elles ne bénéficieraient pas du taux d’inclusion de 50 % sur les premiers 250 000 $ de gains en capital offert aux particuliers, mais plutôt le gouvernement fédéral a l’intention d’augmenter le taux d’inclusion sur tous les gains en capital réalisés annuellement par les sociétés et les fiducies de la moitié à deux tiers, en modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu et en vigueur sur les gains en capital déclenchés à partir de la date du 25 juin 2024.
Le ministère des Finances fournit l’exemple de la manière dont leurs propositions affecteraient un individu en Ontario gagnant un salaire de 400 000 $ et ayant également un gain de 300 000 $ lors de la vente d’une propriété locative au cours de la même année fiscale. Selon les règles actuelles, l’individu paierait un impôt sur 50 %, soit 150 000 $ de ce gain en capital réalisé sur la vente de la propriété. Selon les nouvelles règles proposées, pour le même gain, le même individu paierait désormais un impôt sur 158 333 $ du gain. Calculé comme suit, 125 000 $ (1/2 x 250 000 $) plus le gain au-dessus du seuil de 250 000 $, soit 50 000 $, multiplié par le nouveau taux d’inclusion de deux tiers (66,7 %), ce qui équivaut à 33 333 $. Comme l’individu de cet exemple se trouve dans la tranche d’imposition la plus élevée, le changement proposé lui coûterait 4 461 $ de plus en impôt sur le revenu provincial et fédéral pour l’année fiscale concernée.
Augmentation de l’exemption pour les gains en capital à vie
L’exemption pour les gains en capital à vie, qui permettait auparavant aux Canadiens d’exempter jusqu’à 1 016 836 $ de gains en capital de l’impôt sur la vente de leurs actions de petite entreprise, sera augmentée à 1,25 million de dollars, à compter du 25 juin 2024, avec indexation continue à l’inflation après 2025. Cette augmentation élargit la portée du soulagement fiscal disponible pour les Canadiens avec des gains en capital admissibles inférieurs à 2,25 millions de dollars, offrant des avantages accrus par rapport aux exemptions précédentes.
Incitatifs pour les entrepreneurs – Incitatif aux entrepreneurs canadiens
Le budget de 2024 propose le déploiement de l’Incitatif aux entrepreneurs canadiens. Cet incitatif réduit le taux d’inclusion du revenu imposable des gains en capital à 33,3 % (contre 50 % actuellement pour les particuliers) pour un maximum à vie de 2 millions de dollars de gains en capital admissibles. La limite maximale pour le taux d’inclusion réduit de 33,3 % augmentera de 200 000 $ chaque année à partir de 2025, jusqu’à ce qu’elle atteigne le maximum à vie de 2 millions de dollars pour les entrepreneurs sous cet incitatif en 2034.
À noter, l’Incitatif aux entrepreneurs canadiens peut être combiné avec l’augmentation de l’Exemption cumulative des gains en capital de 1,25 million de dollars. Par conséquent, chaque année jusqu’en 2034, l’entrepreneur canadien pourra bénéficier d’exemptions totales d’impôt sur les gains en capital (1,25 million de dollars indexés pour l’inflation) combinées à des exemptions partielles jusqu’à concurrence du montant maximal pour l’année d’imposition du gain en capital dans le cadre de l’Incitatif aux entrepreneurs canadiens.
Par exemple, conformément au Budget 2024, en 2029, le maximum cumulatif dans le cadre de l’Incitatif aux entrepreneurs canadiens sera fixé à 1 million de dollars. Ainsi, en 2029, un individu qui n’a pas utilisé son Exemption cumulative des gains en capital pourra bénéficier d’au moins 2,25 millions de dollars d’exemptions totales et partielles des gains en capital à vie (1,25 million de dollars d’exemption totale par Exemption cumulative des gains en capital + inclusion limitée de 33,3 % du maximum de 1 million de dollars via l’Incitatif aux entrepreneurs canadiens). Ainsi, le revenu imposable sur un gain en capital de 2,25 millions de dollars pour un entrepreneur admissible utilisant son Exemption cumulative des gains en capital serait réduit à 333 000 $ (1 million de dollars de gain en capital non exempté x 33,3 %) contre 500 000 $ de revenu imposable dans le système actuel.
Une fois que l’initiative gouvernementale aura été pleinement mise en œuvre, les entrepreneurs bénéficieront d’une exemption combinée d’au moins 3,25 millions de dollars lors de la vente totale ou partielle d’une entreprise. Pour que les entrepreneurs bénéficient de cet incitatif, elle ne sera disponible que pour :
- les investisseurs fondateurs dans certains secteurs détenant au moins 10 % des actions de leur entreprise, et
- lorsque la société aura été leur principale activité pendant au moins cinq ans.
Un contribuable désirant réclamer l’exemption en vertu de cet incitatif sur les gains en capital réalisés lors de la vente de leurs actions d’une société doit respecter les conditions suivantes pour être admissible :
- Les actions doivent être celles d’une petite entreprise au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu, détenues directement par le demandeur lors de la vente.
- Pendant la période de 24 mois précédant la vente, les actions doivent être celles d’une société privée sous contrôle canadien (SPCC) ayant plus de 50 % des actifs utilisés dans une entreprise active au Canada.
- Le contribuable réclamant l’exemption était un investisseur fondateur au moment où la société a été initialement capitalisée, détenant ses actions pendant au moins 5 ans avant la vente.
- Le demandeur doit posséder plus de 10 % de la juste valeur marchande des actions du capital social de la société et des droits de vote depuis la souscription initiale jusqu’à la vente.
- Le demandeur doit être activement engagé dans des activités commerciales pendant 5 ans avant la vente.
- Les actions ne peuvent pas représenter un intérêt dans une société professionnelle, une société basée sur la réputation ou certains secteurs d’activité (secteurs financier, d’assurance, immobilier, alimentaire et d’hébergement, arts, loisirs ou divertissement).
- Les actions doivent être obtenues pour une contrepartie équitable en valeur marchande.
En résumé, si l’entrepreneur individuel répond aux critères pour bénéficier de l’incitatif, le revenu réalisé sur les gains en capital, après avoir maximisé l’Exemption cumulative des gains en capital pour l’année d’imposition, serait soumis à l’impôt sur 33,3 % du gain imposable admissible jusqu’à concurrence d’un maximum de 2 millions de dollars (en 2034).
L’exemple avancé par le ministère des Finances décrit un individu qui a déjà utilisé son exemption totale de gains en capital à vie de 1,25 million de dollars lors de la vente passée des actions de sa petite entreprise. Il vend maintenant ses actions restantes dans son entreprise et réalise 2 millions de dollars de gains en capital sur la vente. Aux termes des dispositions actuelles de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’individu paierait des impôts sur 1 million de dollars (c’est-à-dire 50 % des 2 millions de dollars de gains en capital). Lorsque l’Incitatif aux entrepreneurs canadiens sera pleinement mis en œuvre en 2034, l’individu, ne répondant pas aux critères d’admissibilité proposés, ne paierait des impôts que sur 33,3 % du gain en capital, soit 667 000 $ (contre 1 million de dollars), réduisant ainsi son revenu imposable de 333 000 $ lors de la vente des actions de son entreprise.
Gains en capital sur les biens résidentiels
Dans le budget 2024, le gouvernement réaffirme son engagement à maintenir les exemptions pour les gains en capital provenant de la vente de résidences principales, garantissant ainsi que les Canadiens ne sont pas taxés sur les ventes de domicile.
Pour dissuader davantage la spéculation immobilière et encourager la propriété résidentielle, les gains en capital provenant de biens immobiliers achetés et vendus dans un délai d’un an sont traités comme des revenus d’entreprise depuis le 1er janvier 2023.
Conclusion
Les modifications proposées aux taxes sur les gains en capital exposées dans le budget fédéral de 2024 auront des implications significatives pour les particuliers, les sociétés, les fiducies et les entrepreneurs à travers le Canada. Il est important pour les parties concernées de comprendre ces changements et de se préparer en conséquence pour naviguer dans le paysage fiscal en évolution.
Pour les particuliers, surtout ceux ayant des gains en capital substantiels, l’augmentation du taux d’inclusion aux deux tiers pour les gains dépassant 250 000 dollars par an signifie qu’une plus grande partie de leurs revenus d’investissement sera soumise à l’impôt. Cet ajustement peut nécessiter une réévaluation de leurs structures d’entreprise, de leurs stratégies d’investissement et de leur planification financière pour optimiser les résultats fiscaux.
De même, les sociétés et les fiducies seront également impactées par l’augmentation du taux d’inclusion sur les gains en capital, ce qui pourrait affecter les décisions d’investissement et la présentation des états financiers. Les entités doivent examiner leur exposition aux gains en capital et consulter leurs conseillers juridiques et fiscaux pour gérer efficacement les implications de ces changements.
Les entrepreneurs bénéficieront de l’extension de l’exemption cumulative des gains en capital et de l’introduction de l’Incitatif aux entrepreneurs canadiens. Ces mesures offrent un allègement fiscal accru pour les fondateurs et les investisseurs, soutenant ainsi l’innovation et la croissance des entreprises. En tirant parti de ces incitatifs, les entrepreneurs peuvent exploiter les opportunités présentées par le paysage fiscal en évolution pour optimiser leur position financière et stimuler la croissance économique.
Comme ces changements entreront en vigueur le 25 juin 2024, les particuliers, les sociétés, les fiducies et les entrepreneurs devraient prendre des mesures proactives pour se préparer à l’impact sur leurs obligations fiscales et leurs stratégies d’investissement. Un contribuable peut envisager des transactions pour déclencher des gains en capital non réalisés avant la date d’entrée en vigueur tout en pouvant encore bénéficier du taux d’inclusion plus bas. Cela peut inclure la recherche de conseils juridiques et fiscaux professionnels, la révision des portefeuilles d’investissement et l’ajustement des plans d’entreprise pour s’aligner sur le nouveau régime fiscal.
En fin de compte, comprendre et s’adapter à ces changements sera crucial pour les particuliers et les entités afin de naviguer dans le paysage fiscal en évolution et d’optimiser leurs résultats financiers dans le cadre du cadre fiscal révisé du budget de 2024. En restant informés et proactifs, les contribuables peuvent gérer efficacement leurs obligations fiscales et tirer parti des incitatifs disponibles pour soutenir les objectifs financiers et le succès des entreprises.
Sources:
https://budget.canada.ca/2024/report-rapport/chap8-fr.html
https://budget.canada.ca/2024/report-rapport/budget-de-2024.pdf