UN NOUVEAU RÉGIME D’UNION PARENTALE AU QUÉBEC

par: Me Angela Di Virgilio & Marie-Pier Rioux

C’est suite à l’affaire grandement médiatisée Éric c. Lola que l’idée de redéfinir les règles régissant les unions de fait est née. Le gouvernement péquiste avait alors mis sur pied le Comité consultatif sur le droit de la famille. Le rapport, produit en 2015, contenait entre autres les grandes lignes du projet de loi 56, finalement déposé en mars 2024.

Adopté à l’unanimité le 4 juin 2024, la Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale (« la Loi ») entrera en vigueur à compter du 30 juin 2025. Comme son nom l’indique, elle institue un nouveau régime pour les conjoints de fait qui ont des enfants en commun, leur offrant certaines protections jusqu’alors réservées au régime applicable aux couples mariés. La Loi n’étant pas rétroactive, seulement les conjoints ayant ou adoptant un enfant après le 30 juin 2025 y seront soumis.

Le régime d’union parental a pour effet d’instaurer un patrimoine commun aux conjoints de fait, dès lors qu’ils ont un enfant en commun. Dans ce patrimoine, on retrouve les résidences familiales, les meubles qu’elles contiennent ainsi que les voitures utilisées aux fins de déplacement de la famille. Le patrimoine, en cas de séparation des conjoints, sera partagé en parts égales entre eux. La Loi prévoit la possibilité que le tribunal attribue un droit d’usage à court terme de la résidence familiale au parent qui obtient la garde de l’enfant, que celui-ci en soit propriétaire ou non. Cette disposition s’accompagne d’autres restrictions à l’encontre du parent propriétaire, comme l’interdiction de vendre la résidence familiale, de l’hypothéquer ou de la louer sans l’accord de l’autre parent. Ces mesures sont prises, entre autres, pour protéger l’intérêt de l’enfant. Contrairement aux couples mariés, le régime enregistré d’épargne-retraite et le fonds de pension ne font pas partie du patrimoine des conjoints en union parental.

D’autres dispositions ont pour objectif de protéger le conjoint vulnérable en cas de décès ou de séparation. Ainsi, si un des conjoints décède sans testament, le régime d’union parentale prévoit que l’autre conjoint aura droit au tiers de l’héritage, s’ils ont cohabité durant au moins un an auparavant. Contrairement au régime pour les couples mariés, l’union parentale ne prévoit pas la possibilité pour le conjoint vulnérable de demander une pension alimentaire pour lui-même lors de la séparation.

Aussi, en cas de séparation, un conjoint qui estime s’être appauvri lors de l’union parentale, en ayant contribué à l’enrichissement de l’autre, peut demander une prestation compensatoire. Les démarches ont ainsi été facilitées, comparativement au recours pour enrichissement injustifié qui prévalait jusqu’alors.

Finalement, le régime d’union parentale prévoit le devoir, pour les tribunaux, d’accorder des dommages-intérêts en cas de violence judiciaire. Cela survient lorsqu’un conjoint utilise la justice de manière abusive à l’encontre de son ex-conjoint pour maintenir un certain contrôle sur cette personne, bien souvent au détriment des enfants. Le tribunal aura également l’obligation de tenir compte de l’historique des procédures judiciaires entre les conjoints, incluant ce qui touche à la violence conjugale.

Notons en terminant que les conjoints de fait ayant ou adoptant un enfant après le 30 juin 2025 seront automatiquement inscrits au régime d’union parentale. Il demeure toutefois possible d’aménager le patrimoine familial tel qu’on l’entend ou de se retirer du régime, le tout par acte notarié. Si le retrait a lieu dans les 90 jours suivant le début de l’union parentale, le patrimoine commun est réputé n’avoir jamais existé.

Les conjoints de fait qui ont des enfants en commun avant l’entrée en vigueur de la Loi ne sont pas inclus dans ses dispositions. Ils peuvent cependant y adhérer volontairement par une demande expresse. Le tout peut se faire devant un notaire ou par acte sous seing privé en présence de deux témoins.