par: Me Anthony Gattuso
Au cœur d’un litige passionné marqué par des discordes familiales, une profonde enquête juridique se dévoile au sein de l’arène judiciaire québécoise, encapsulant les complexités qui entourent les obligations de cautionnement pour les représentants non-résidents. Un récent jugement de la Cour supérieure du Québec, Shaulov c. Shaulov (2023 QCCS 2875) et son examen ultérieur par la Cour d’appel dans Shaulov c. Shaulov (2023 QCCA 1164), ont mis en lumière une interprétation cruciale du droit procédural québécois. Au cœur de la question se trouve l’obligation d’un représentant non-résident, agissant « ès qualités » au nom des demandeurs par le biais d’une procuration, de fournir une caution en tant que garantie pour les frais juridiques. Cet article explore les jugements historiques et leurs implications pour les praticiens du droit et pour le public au Québec.
Jugement de la Cour supérieure
Le jugement de la Cour supérieure du juge Enrico Forlini dissèque les critères d’une ordonnance de cautionnement en vertu de l’Article 492 C.p.c., mettant l’accent sur la présence d’un « demandeur » résidant à l’extérieur du Québec comme un élément clé. L’interprétation du terme « demandeur » est cruciale, et la cour souligne l’intention législative : protéger les défendeurs contre les réclamations de non-résidents et garantir une couverture complète des frais juridiques si la réclamation échoue.
Le jugement en question délimite les critères régissant la délivrance d’une ordonnance de cautionnement en vertu de l’Article 492 C.p.c. Il accentue deux préalables essentiels : la présence d’un « demandeur » et sa non-résidence au Québec. Notamment, la question de la résidence en l’espèce est restée non contestée, concentrant l’attention du tribunal sur l’interrogation essentielle de savoir si la procuration se qualifie effectivement comme demandeur dans la procédure.
Plongeant dans l’interprétation du terme « demandeur », le jugement souligne l’impératif de s’aligner sur l’intention législative. Le but du législateur, tel que discerné par la cour, est double : protéger les défendeurs poursuivis par des individus ou entités juridiques non-résidents et garantir une couverture complète des frais juridiques si la réclamation du demandeur est rejetée.
S’appuyant sur la jurisprudence, le jugement fait référence à Schall c. York Hannover Developments Ltd., une décision de la Cour d’appel ayant ordonné à un demandeur non-résident en garantie de fournir une garantie pour les frais. Le raisonnement invoqué repose sur le concept selon lequel engager une action en justice impose une obligation aux parties non-résidentes de fournir une garantie pour les frais. La cour distingue le présent cas de Jackson c. Johnston, où un liquidateur testamentaire non-résident au Québec était exempté de fournir une garantie pour les frais, soulignant que le Mandataire, dans ce cas, agissant sous une procuration, assumait le rôle d’administrateur des biens d’autrui – les demandeurs – habilitée par un mandat large englobant des actions en justice. La cour conclut donc que le Mandataire possédait la capacité et l’intérêt nécessaires pour plaider au nom de ses parents, se distinguant des circonstances de Jackson.
La cour examine également le rôle de Shaulov en tant qu’« instigateur » des procédures judiciaires, tenant compte de sa procuration, de l’administration des biens parentaux et de la représentation légale. Mettant l’accent sur les règles de représentation, le jugement soutient que, agissant au nom de ses parents, le Mandataire entre dans le champ d’application de l’Article 492 C.p.c. al. 2, l’obligeant à fournir une garantie en raison de sa non-résidence au Québec. Cette analyse nuancée souligne la logique du tribunal en considérant que le Mandataire répond aux critères stipulés à l’Article 492 C.p.c. pour la délivrance d’une ordonnance de cautionnement.
Jugement de la Cour d’appel (Shaulov c. Shaulov, 2023 QCCA 1164)
Le jugement ultérieur de la Cour d’appel, Shaulov c. Shaulov (2023 QCCA 1164), rejette l’appel du Mandataire, mettant en lumière des erreurs potentielles d’interprétation et de droit commises par le juge de première instance. Notamment, le demandeur du Mandataire de l’autorisation d’appel soutient que le juge de première instance a mal interprété la relation entre le mandant et le mandataire, entraînant l’application incorrecte des principes juridiques. Cette mauvaise interprétation aurait conduit à une décision conséquente où le juge a ordonné au demandeur – considéré comme manquant d’intérêt légal – de fournir une caution. L’ordonnance de la Cour supérieure est qualifiée de création d’une nouvelle obligation légale, s’écartant des normes juridiques établies. De plus, l’interprétation par le juge de première instance des termes « demandeur es qualités » est affirmée avoir conduit à une interprétation erronée du rôle du demandeur en tant que partie nécessaire sans réclamation ou intérêt substantiel. Est également soutenu que la décision du juge de première instance a enfreint le droit constitutionnel à l’accès à la justice, négligeant la jurisprudence établie selon laquelle le manque d’intérêt du demandeur les exclut du statut de demandeur légitime.
Le demandeur n’a soulevé aucune question de fait ou de droit, concernant un préjudice particulier aggravé allant au-delà des intérêts privés des parties, qui justifierait une attention supplémentaire de la Cour d’appel. La décision de l’Honorable Justice Guy Cournoyer, J.A., de refuser la demande de manière à titre gracieux pour l’autorisation d’appel souligne la discrétion exercée dans les ordonnances de cautionnement. En reconnaissant la nature discrétionnaire de l’ordonnance de cautionnement et en mettant en garde contre l’intervention en appel, le jugement de la Cour d’appel signale l’importance de respecter les décisions des tribunaux inférieurs et l’exercice de la discrétion judiciaire. Cette approche pragmatique s’aligne sur un objectif plus large d’efficacité judiciaire et encourage les méthodes alternatives de règlement des différends pour atténuer les coûts juridiques inutiles.
Les jugements revêtent davantage d’importance, suscitant un débat sur la classification des individus titulaires d’une procuration en tant que « demandeurs » en vertu de l’Article 492 C.p.c. Ce discours touche au cœur de l’introduction d’une action en justice et des obligations qui en découlent pour ceux qui ont une autorité juridique déléguée. La nature discrétionnaire des ordonnances de cautionnement, comme souligné par la Cour d’appel, s’aligne sur la poursuite de l’efficacité judiciaire et des méthodes alternatives de règlement des différends.
Conclusion
Les jugements résumés contribuent de manière significative à l’interprétation et à l’application du droit procédural québécois, en particulier en ce qui concerne la délivrance d’une ordonnance de cautionnement en vertu de l’Article 492 du Code de procédure civile. Les tribunaux abordent la question cruciale : qu’une procuration se qualifie en tant que « demandeur » en vertu de l’Article 492 C.p.c., nécessitant ainsi l’octroi d’une caution en raison de sa non-résidence au Québec.
Il y a une nette insistance sur l’intention législative derrière la disposition de cautionnement, mettant en évidence son objectif de protéger un défendeur poursuivi par un demandeur non-résident et garantir le remboursement intégral des frais juridiques si la réclamation du demandeur est rejetée. Cette interprétation souligne l’importance de fournir un mécanisme pratique pour recouvrer les frais juridiques des demandeurs non-résidents, compte tenu des défis potentiels liés à la poursuite de ces coûts dans d’autres provinces ou même à l’échelle internationale. L’accent mis par la cour sur la protection de la position du défendeur s’aligne sur des objectifs plus globaux d’équité et d’efficacité au sein du système juridique.
Le jugement de la Cour supérieure intègre également des développements jurisprudentiels, faisant référence à l’affaire Gestion Alpilles inc. c. Valmy Technologies, s.a. Dans cette affaire, la cour s’est éloignée de ses décisions antérieures et a statué qu’un demandeur reconventionnel non-résident, semblable à un demandeur en vertu de l’Article 65 de l’ancien Code, doit fournir une caution. La cour précise que l’exigence de cautionnement est liée à l’introduction d’une demande devant un tribunal québécois plutôt qu’à des étiquettes procédurales telles que « demandeur » ou « demandeur reconventionnel « . Cette rupture avec les formalités procédurales en faveur d’une approche plus fonctionnelle rationalise l’application des exigences de cautionnement, assurant une cohérence dans les affaires impliquant des parties non-résidentes introduisant des demandes au Québec.
De plus, ces jugements récents fournissent une clarté accrue sur les spécificités de la capacité du Mandataire et l’importance des termes et conditions de la procuration accordée par les demandeurs à leurs représentants. La présente saga judiciaire souligne également l’importance de prendre en compte la relation entre les demandeurs et leurs représentants. Comme c’est le cas ici, le Mandataire, agissant en tant que représentant de ses parents, rentre pleinement dans la définition d’un « demandeur » en vertu de l’Article 492 C.p.c., et a donc été ordonnée de fournir une caution en raison de sa non-résidence. Cette interprétation renforce l’engagement du tribunal envers le fond plutôt que la forme dans la détermination de l’applicabilité des exigences de cautionnement, reconnaissant les différentes façons dont les individus peuvent agir au nom d’autrui dans le cadre juridique.
En résumé, ces jugements contribuent de manière significative au droit procédural québécois en fournissant une interprétation nuancée et pratique du terme « demandeur » en vertu de l’Article 492 C.p.c., réaffirmant l’importance de garantir les frais juridiques lorsqu’il s’agit de parties non-résidentes introduisant des demandes devant les tribunaux du Québec. L’accent mis par le tribunal sur le rôle fonctionnel de la partie plutôt que sur les étiquettes procédurales assure une application cohérente et équitable des exigences de cautionnement dans le paysage évolutif de la représentation juridique.